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La formation de la Grande Roumanie

Alexandru Ioan Cuza

La conférence internationale de 1858 consacre l'autonomie des principautés. Napoléon III est intervenu en faveur de la liberté des élections aux assemblées des principautés et en 1859, au moment où les assemblées valaques et moldaves élisaient le même prince, Alexandru Ioan Cuza, pour faire accepter à l'Europe le fait accompli de la nouvelle principauté moldo-valaque, future Roumanie.
La naissance de cet Etat a été difficile, s'agissant d'une construction inachevée, dépourvue de souveraineté externe, reposant uniquement sur l'union personnelle. Le prince Cuza s'est attaché à consolider l'union des principautés en fusionnant les deux assemblées, en procédant à l'unification financière et judiciaire. Mais un immense retard économique et administratif devait être comblé.
Les projets du prince sont ambitieux, comme celui de rendre l'enseignement primaire obligatoire et de démocratiser l'enseignement secondaire. Pour restituer à l'Etat d'énormes revenus, Cuza sécularise les biens ecclésiastiques placés sous le patronage de Constantinople, de Jérusalem où du Mont Athos.
La loi agraire libère les paysans des redevances et corvées dues aux propriétaires et sépare la
terre des boyards et des paysans, indemnisant les premiers. Les conservateurs contestent Cuza, mécontents de la réforme agraire, les libéraux refusent son autoritarisme. Il est obligé d'abandonner le pouvoir en 1866 et sera remplacé par le prussien Charles de Hohenzollern-Sigmaringen, devenu Carol I de Roumanie.
L'occasion d'en finir avec la vassalité anachronique de la principauté moldo-valaque a été la guerre russo-turque de 1876, à laquelle le prince Carol décide de participer. Si les négociations de San Stefano et de Berlin de 1878 consacrent l'indépendance totale de la Roumanie unifiée, elles notifient aussi la reprise, par les Russes, de la partie de Bessarabie rendue en 1856, contre une compensation pour la Roumanie, la Dobroudja du Nord.
Le pays devient une monarchie en 1881, mais la sphère politique continue à connaître l'alternance au pouvoir des conservateurs et des libéraux qui représentent les classes dirigeantes, boyards d'un côté, bourgeois et intellectuels de l'autre. Le peuple reste le grand absent de ce jeu politique.
Le Parti National Libéral agit vigoureusement en faveur du développement économique dans un esprit nationaliste. Le problème le plus difficile est le problème agraire. La production agricole s'est développée. La petite propriété issue des réformes de Cuza vit dans un

Carol I de Roumanie

endettement permanent ; faute d'un véritable crédit rural, on a recours aux usuriers. Les mesures gouvernementales visant à transférer de nouvelles terres à la paysannerie sont restées sans véritable effet. En 1916 éclate donc une violente jacquerie paysanne en Moldavie ; sa répression par la force rétablit l'ordre mais ne règle pas le problème agraire.
Au niveau de la politique externe, le choix du roi et les préoccupations économiques des libéraux poussent à l'adhésion en 1883 (secrète) à la Triple Alliance ; ce rapprochement avec l'Autriche-Hongrie est contraire à l'espoir d'union avec la Transylvanie. Or suite au compromis de 1867 formant l'Empire bicéphale Austro-Hongrois, la Transylvanie est rattachée à la Hongrie et sa situation s'empire. Le Parti National Roumain, fondé en 1881 et la rédaction d'un Mémorandum en 1892 sont les preuves des revendications nationales roumaines.
Telle est la situation de la Roumanie à la veille du premier conflit mondial. La mort du roi Carol Ier, à la fin 1914, laisse à son successeur Ferdinand Ier, la responsabilité de choisir un camp. Les puissances centrales offrent à la Roumanie la Bessarabie, alors que les Alliés lui offre la Transylvanie, contre son intervention militaire.
Le choix des Alliés l'emporte en 1916, mais la défaillance russe et le soutien manquant des forces de Salonique conduisent la Roumanie à l'occupation allemande et au statut de protectorat économique allemand. Le retournement de la situation en faveur des Alliés profite aux Roumains. Des conseils nationaux en Bessarabie, en Bucovine et en Transylvanie proclament le droit des nationalités à disposer d'elles-mêmes. L'assemblée d'Alba Iulia proclamera le 1er décembre 1918 le rattachement à la Roumanie de tous les territoires roumains de l'ancienne Autriche-Hongrie. La formation de la Grande Roumanie sera confirmée par les traités de paix (traité de Neuilly, rendant à la Roumanie la totalité de la Dobroudja, le traité de Saint-Germain, rendant à la Roumanie le Banat et la Bucovine et par le traité de Trianon la Transylvanie). Les Alliés confirmeront aussi le retour de la Bessarabie au sein de son pays d'origine. La Roumanie agrandie de façon si importante rencontrera les difficultés inhérentes à cette transformation : l'ancien royaume était homogène or aujourd'hui on compte beaucoup de minorités : des Hongrois, des Allemands, des Bulgares, des Juifs, des Ukrainiens et des Russes.

 

Ion Bratianu

La convention du 9 décembre 1919 leur garantit l'égalité civile et le respect des particularités linguistiques et religieuses. Mais le chemin vers un Etat fort, unitaire s'avére difficile et contrariant pour ces minorités. Les lois agraires de 1918 et 1921 transfèrent à la paysannerie des terres de la couronne, celles des propriétaires absents, limitant à 100 hectares la propriété des terres arables. Le suffrage universel est institué en 1919. Sur la scène politique, les libéraux semblent avoir épuisé leur programme avec le vote de la Constitution de 1923 et se prêtent à diverses manoeuvres politiques pour conserver le pouvoir. Le Parti National Paysan semble être une alternative, mais d'une façon générale la démocratie peine à se consolider.La mort du roi Ferdinand en 1927 (la même année que le chef des libéraux I.C. Bratianu, qui laisse son parti décapité) engendre des problèmes dynastiques. Son fils Carol II, discrédité, sera écarté au profit d'un Conseil de régence pour revenir sur le trône en 1930 et instaurer un régime autoritaire, avec renforcement de son pouvoir personnel.
Les effets de la crise mondiale des années 1930 fragilise encore cette démocratie chancelante.

Le contexte économique et social permettra la montée du fascisme, lié à la personne de Corneliu Codreanu. Son mouvement deviendra finalement la Garde de Fer, qui prônait un mélange de christianisme de croisade, de nationalisme agressif et d'antisémitisme violent ; ses appuis sociaux seront le clergé, certains milieux bourgeois, la jeunesse étudiante incertaine quant à son avenir, mais aussi les milieux populaires hostiles à l'usurier juif.
Carol II, après avoir utilisé Codreanu afin d'anéantir les partis traditionnels, fait exécuter celui-ci en 1938. Par une nouvelle Constitution il ébranle ce qui reste d'une vie politique démocratique basée sur le pluripartisme.
La politique extérieure de la Roumanie après la Première Guerre a été entièrement orientée vers la France. Le maintien du statu quo territorial confirmé par les traités de paix passait par la politique française visant à créer un cordon sanitaire sensé contenir le bolchevisme. Dans cet esprit, la Roumanie adhère à la Petite Entente en 1921 (avec la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie) et à l'Entente Balkanique, et participe activement aux travaux de la Société des Nations dans un idéal de sécurité collective. Les années 30 bouleversent toutes les données.

Carol II de Hohenzollern

Idéologiquement, la Roumanie connaît des sympathisants des régimes fascistes. Économiquement, l'Allemagne lui offre une meilleure issue à la crise. Politiquement, les changements se nourrissent de la faillite, par la faute des démocraties orientales, du système de sécurité collective, (les accords de Munich en sont la preuve).
 
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