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La mauvaise image de la Roumanie

L'image de la France souffre

Décidément, 2002 aura été un crû particulièrement mauvais… pour l'image de la France en Roumanie. Fin avril, TV5 avait consacré 24 heures en direct à Bucarest. Attendue comme une fête destinée à présenter leur capitale et leur pays, l'émission animée par Frédéric Mitterrand et diffusée dans le monde entier, avait surtout décliné et repris les clichés circulant sur ce pays, mortifiant les téléspectateurs roumains massés derrière leur écran.

Tout l'été, la presse française a transformé en feuilleton l'épisode des mendiants roumains sans préciser qu'il s'agissait de Tsiganes. A la mi-septembre, Arte a présenté un long documentaire consacré à une vallée des lépreux dans le Delta du Danube… film au demeurant humaniste, de qualité et honnête.

Mais, les téléspectateurs francophones sont en bon droit de se demander si, en dehors des mendiants, des enfants de la rue ou des orphelinats, des chiens errants, des lépreux… il existe un seul Roumain normal ?

Un metteur en scène canadien à la recherche du sordide dans les rues de Bucarest

La communauté roumaine du Canada s'est indignée de la présentation du film « Les chiens sauvages », lors du récent festival cinématographique de Toronto. Son metteur en scène, le canadien Thom Fitzgerald, qui a tourné voici un an à Bucarest, a repris tous les clichés dont on affuble la Roumanie, leur donnant une dimension encore plus choquante par des effets artistiques et des scènes impressionnantes.

Indiquant qu'il n'avait filmé que ce qu'il avait vu, Fitzgerald a déclaré qu'il avait voulu montrer « une ville jolie en ruine, hantée par les chiens errants » et qu'il ne fallait chercher dans son film que « de la compassion et de l'humanisme». On y trouve un enfant amputé des deux jambes, qui mendie sur les trottoirs en se déplaçant dans une caisse lui servant de chariot, mais aussi un nain célèbre dans le pays, tournant dans des clips pornographiques, connu pour être un gigolo et servant d'intermédiaire à des proxénètes. Fitzgerald le montre dansant, fumant un cigare, tout en faisant un strip-tease.

Une nouvelle fois, la Roumanie est réduite à des images sordides. Une nouvelle fois, le nauséabond n'était pas devant la caméra, mais derrière…

« Je n'ai jamais eu aussi honte d'être Roumain »

Les images diffusées sur la Roumanie dans les médias occidentaux et l'acharnement que  ceux ci montrent à son égard y causent un profond traumatisme, grave car il peut provoquer un renfermement des Roumains sur eux-mêmes. Dans son éditorial d'« Evenimentul Zilei » (« L'Evènement du Jour ») du 8 octobre, Radu Ciobotea écrit : « Jamais les Roumains n'ont eu aussi honte d'eux-mêmes. Les images que l'on voit chaque jour de notre pays sont devenus exaspérantes. Nos étudiants boursiers à l'étranger, nos spécialistes n'osent plus dire qu'ils sont Roumains. Nos expatriés chuchotent entre eux, de peur d'être surpris et reconnus. Nos plus grands professeurs, invités à des conférences en Occident, sont écoutés avec respect jusqu'à ce qu'on apprenne leur origine et que l'on ne dise avec compassion… « Le pauvre, s'il n'était pas Roumain, ce serait un grand savant ! ». Nos touristes sont observés avec étonnement : « Quoi, vous êtes Roumain et vous visitez le Louvre ?! »… et le regard descend jusqu'aux poches pour voir si elles ne sont pas remplies d'objets volés.

En regardant les nouvelles, chaque seconde qui passe, je me demande si on a encore une chance d'échapper au rétablissement des visas Schengen. Déjà la France et l'Espagne en parlent, maintenant la Hollande… ».

Et le journaliste de revenir à l'un des plus caractéristiques défauts des Roumains, le fatalisme : « Après tout, ils ont sans doute raison. C'est vrai que chez nous tout est moche : la politique, notre façon de nous conduire, de travailler, de parler… ».

L'incompréhension d'un journaliste et écrivain suisse

" Pourquoi les médias de France ne montrent-ils de la Roumanie que ce qu'il y a de gris et de noir ?"

    Noël Tamini vit une partie de l'année dans le Maramures. Pas dupe des trop nombreux travers qui affectent la Roumanie, l'image que l'on colporte de ce pays, basée sur l'ignorance transformée en désinformation, le désole aussi bien qu'elle le révolte, rejoignant la réaction d'innombrables lecteurs. L'écrivain et journaliste suisse nous livre son sentiment.

" Les médias n'ont guère de place pour les enfants qui vivent normalement "

"À Paris, en 1998, je fus invité à recevoir un prix. A la fin, trois journalistes français me demandèrent, tour à tour: « Vous vivez en Roumanie : pourquoi la Roumanie? » Et chacun d'évoquer... les enfants des rues... les milliers d'orphelins... les hôpitaux déglingués. Je montrai alors des photos récentes prises à la maternelle de Cicirlau. Une femme parut surprise: « Mais ils sont beaux ces enfants! » s'écria-t-elle. Comme s'il s'agissait de photos truquées, elle ajouta: « Vous ne niez pas l'existence des enfants abandonnés? » Bien sûr que non. Les médias d'aujourd'hui n'ont hélas guère de place pour les enfants qui vivent normalement.

Pourquoi les médias de France ne montrent-ils de la Roumanie que ce qu'il y a de gris et de noir ? Je l'ai demandé à ces journalistes. Ils rechignaient à admettre qu'il y a une autre Roumanie, celle de la paysannerie des montagnes, celle des traditions encore intactes, du Maramures et d'ailleurs. « Vous connaissez le Maramures? » Evidemment, personne n'avait entendu ce nom. Et l'un de mes interlocuteurs de persister ainsi : « En Europe, c'est en Roumanie que l'espérance de vie est la plus courte... » - « Je sais. Je l'ai dit à une femme du Maramures, à laquelle je reprochais de manger trop de viande et trop de matières grasses. Après un bref instant de réflexion, elle m'a répondu: “Eh bien, ça me fait rien de mourir plus tôt. Au moins, j'aurai bien mangé...” Et elle avait éclaté de rire. »

" Les photos payées le plus cher sont celles des enfants sanguinolents, surtout si c'est des petites filles "

Pour écrire, j'ai vécu souvent en France, en Ariège, dans une région des Pyrénées qui fait penser au... Maramures. Un jour, ma voisine m'a dit: « Je viens de voir à la télévision un reportage sur la Roumanie... C'était... é-pou-van-ta-ble... » Je me suis alors énervé: « La télévision ne montre que ce qu'elle veut ! A des journaux d'Occident j'ai proposé plusieurs fois des reportages illustrés sur le Maramures. Jamais ils n'ont accepté. Ce qu'on voulait, c'est du sang. Des mineurs bastonnant des innocents. Vous savez quelles sont les photos payées le plus cher par les magazines? Des enfants sanguinolents ! Des gamins. Mais on paie bien plus cher pour une petite fille... Si la télévision roumaine ne montrait que les verrues et les blessures de la France, vous imaginez... Si l'on n'y voyait que les clochards, les alcooliques, les sans abri, les chômeurs, les suicidaires, les malades du sida, les vieux qui meurent seuls, abandonnés de tous s'ils sont pauvres, et ces hôpitaux psychiatriques qui affichent complet... Et... et si l'on ne parlait que des pharmacies? » - « Qu'est-ce qu'elles ont, nos pharmacies? » me dit ma voisine. « Les pharmacies de France font des affaires d'or ! La France a le record du monde de la consommation de médicaments, en particulier les anti-dépresseurs. Les Français ne se sentent donc pas si bien... ». Bon, c'était avant que la France fût devenue championne du monde de football.

" Courage… me dit-il, comme si j'étais assigné en résidence en Irak "

Les Français ont et auront longtemps encore leur propre image de la Roumanie. Un jour, M. Ramonet, directeur du Monde diplomatique , dédicaçait son dernier livre, Géopolitique du chaos . Apprenant que je vivais en Roumanie, il m'écrivit cette phrase sibylline que le général De Gaulle aurait prononcée en 1968: « Vous, les Roumains, vous savez être roumains! ». Et M. Ramonet, l'un des hommes les mieux informés, crut opportun de m'exprimer sa sympathie. « Courage... » me dit-il, comme si j'étais assigné à résidence en Irak.

Dossier Coup de colère
Dossier réalisé par Henri Gillet

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